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Notre laboratoire est une unité mixte de recherche CNRS-AMU...

Notre laboratoire a été créé en 1995, par la réunion d’expertises en biologie structurale, en génomique et en bioinformatique. Pendant une première dizaine d’années, nous avons été pionniers dans le séquençage de nombreux génomes bactériens [1, 2], dans le domaine de la génomique structurale [3, 4] et dans le développement des outils bioinformatiques nécessaires à ces études [5, 6, 7].
Suite à notre implication dans la caractérisation du premier virus « géant » (Mimivirus) en 2003 [8, 9], notre laboratoire s’est rapidement focalisé sur l’étude de ces virus d’un nouveau genre, en faisant le pari que cette découverte inattendue n’était pas celle d’un monstre de foire isolé, mais celle d’un pan entier de la virologie resté inexploré par la faute des protocoles d’isolement (i.e. la filtration) utilisés depuis toujours. Notre intuition a aussi été qu’à travers leurs propriétés étonnantes, les virus géants (liste fin 2017) pourraient éclairer d’un jour nouveau l’émergence du monde cellulaire et sa relation avec les virus contemporains [10, 11].

Ce changement de cap a été récompensé par la découverte d’une multitude de cousins plus ou moins éloigné de Mimivirus, formant maintenant la grande famille des Mimiviridae, et dont certains membres ont un rôle essentiel dans la régulation des populations planctoniques océaniques [12, 13].

En parallèle, l’exploration des environnements les plus divers nous a rapidement amené à la découverte de trois autres familles de virus géants (c-à-d. visibles au microscope optique), sans parenté phylogénétique avec la famille des Mimiviridae. Les prototypes de ces trois familles sont Pandoravirus salinus [14], Pithovirus sibericum [15] et Mollivirus sibericum [16]. L’isolement de deux derniers virus à partir d’un échantillon de permafrost daté de 30.000 ans a constitué une alerte supplémentaire sur les conséquences du réchauffement climatique.

Tout en restant à la recherche de nouveaux virus géants dans l’environnement, notre laboratoire consacre une part croissante de son activité à l’élucidation des processus moléculaires et cellulaires accompagnant la réplication des virus géants [17], et donc de la fonction de leurs gènes dont la plupart n’ont aucun homologue dans le monde cellulaire contemporain [11].

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Notre laboratoire est une unité mixte de recherche CNRS-AMU. Nos recherches portent principalement sur la découverte, la biologie, les stratégies d’adaptation et à l’évolution des virus « géants ». Notre système modèle utilise pour l’instant Acanthamoeba castellanii ainsi qu’une variété de souches environnementales.

La découverte de Mimivirus, le premier virus icosaédrique visible en microscopie optique ( 450 nm), a été suivie de l’isolement et de la caractérisation de nombreux membres de la même famille, le plus grand d’entre eux, Megavirus chilensis possède un génome de 1.2 Mb et code pour plus de 1000 protéines, dont les 2/3 sont uniques aux Mimiviridae. C’est également le premier membre marin de cette famille. D’autres membres de cette famille, plus petits et moins complexes, infectent une variété de micro-algues et de protozoaires. Leur cycle infectieux comme celui des Poxviridae est cytoplasmiques et ils sont eux même la cible d’un genre particulier de virus, les virophages, qui utilisent l’usine virale du grand virus et non le noyau de la cellule hôte pour se répliquer. Certains sont retrouvés sous forme d’épisomes associés au génome du virus qu’ils infectent, dans les virions.

Notre laboratoire a découvert les 3 autres familles de virus géants connues à ce jour avec les Pandoraviridae, dont les particules possèdent une morphologie unique en forme d’amphore de 1µm de long pour 0,5 µm de diamètre. Ce sont de loin les virus les plus complexes, avec des tailles de génomes pouvant presque atteindre les 3Mb et codant pour plus de 2550 protéines dont plus de 90% ne ressemblent à aucune autre dans le monde cellulaire ni dans le monde viral. Pourtant, nous avons déjà isolé plus de 5 membres de cette famille et d’autres laboratoires commencent à en isoler.

Pithovirus sibericum a été isolé à partir d’un échantillon de pergélisol Sibérien daté de 30.000 ans. C’est de loin le virus possédant les plus grand virions (1,5 µm, 0,5 µm de diamètre). Comme les Pandoravirus ils ont une forme en amphore mais la structure du tégument externe et de leur apex est totalement différente. Avec son génome de 610 kb codant pour 470 protéines, c’est la première fois que l’on observe un tel décalage entre la taille du génome et celle des particules. Encore une fois, les 2/3 de ses 470 protéines ne ressemblent à rien de connu. Un autre Pithovirus moderne vient d’être publié récemment.

Enfin, Mollivirus sibericum isolé à partir du même échantillon de pergélisol présente des particules à peu près sphériques de 600 nm de diamètre. Son génome ADN de 650 kb codent pour 520 protéines dont les 2/3 ne ressemblent à rien de connu.

Nous travaillons également sur une nouvelle famille de virus infectant Acanthamoeba, les Marseilleviridae. Ces virus sont étonnamment conservés d’un endroit à l’autre de la planète quelque soient les milieux à partir desquels ils ont été isolés, permettant d’étudier l’évolution et les pressions de sélection s’appliquant sur les gènes des virus ADN en général. Ces virus nous ont également permis d’identifier un intermédiaire évolutif insoupçonné de la dépendance au noyau cellulaire. Ils n’acheminent pas leur ADN au noyau, au contraire ils recrutent les protéines nucléaires pour compenser l’absence de transcription embarquée dans les virions et ainsi développer leur usine virale dans le cytoplasme. Il s’agit d’un chainon manquant du mode d’évolution des virus cytoplasmiques vers un mode de réplication nucléaire.

Les compétences du laboratoire au départ centrées sur la bioinformatique et la génomique structurale se sont progressivement étendues à la virologie, la biologie cellulaire et à une expertise en analyse de données NGS (génomique, transcriptomique, métagénomique, protéomique) et en microscopie optique et électronique, dans le but d’étudier en détails la physiologie de ces virus.

Une des questions posée par la découverte de ces 4 familles de virus géants infectant Acanthamoeba porte sur leur origine. D’où proviennent ces milliers de protéines originales, quel est leur rôle au cours des cycles infectieux de ces virus dont certains sont cytoplasmiques et d’autres présentent une phase nucléaire ? Sont-elles les restes de voies métaboliques originales sélectionnées par des proto-cellules ancestrales n’ayant pas été retenu par LUCA (Last Universal Cellular Ancestor) ? Se peut-il que la vie soit apparue plusieurs fois sur Terre, en parallèle, et avec des stratégies métaboliques différentes ? Certaines de ces stratégies pourraient avoir conduit à l’émergence rapide du monde cellulaire. Nous proposons que les stratégies alternatives aient pu perdurer, au moins en partie, dans la descendance de ces proto-cellules qui, perdantes de la compétition, ne pouvaient pour survivre que devenir les parasites des vainqueurs et devenir ainsi les virus du monde cellulaire.

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